La​ ​renaissance​ ​du​ ​FC​ ​Valence

Avec un effectif restructuré, une ambition assumée et des performances exemplaires, le FC Valence a définitivement retrouvé le cocktail de la gagne. Depuis plusieurs années, l’équipe emblématique de l’est de l’Espagne peinait à concrétiser au plus haut niveau, se contentant d’occuper un rôle secondaire voire tertiaire, en jouant le maintien. Évincés du brillant trio espagnol composé des deux Madrid et du Barça, sur la scène européenne, « Los Blanquinegros » jouaient des coudes face aux autres outsiders nationaux, à l’image de Séville, Bilbao ou encore Villarreal.

Mais, depuis le début de saison, le phénix est en train de renaître de ses cendres en talonnant les barcelonais à la seconde place du classement, en plus de réaliser des prestations de qualité. (Ex : 4-0 contre Séville) Comment Marcelino a-t-il remis le club de Peter Lim sur de bon rails ? Décryptage

Le​ ​dispositif​ ​tactique

Lors de l’intronisation d’un entraîneur dans une nouvelle équipe, beaucoup de conditions peuvent être posées par ce dernier, notamment en terme d’effectif : soit disposer de joueurs spécifiques, ou alors de composer avec une base de joueurs stable.
Du côté de Valence, Marcelino a eu des difficultés avec une salve importante de départs (23) dont des joueurs importants comme Negredo, Enzo Perez ou Diego Alves.

Malgré tout, il a décidé de remettre en place le fameux dispositif ayant fait sa réputation sur la scène nationale et européenne, le 4-4-2. Explications de son choix tactique: https://www.twitter.com/AlbertOrtegaES1/status/928252616030769152.


A partir du moment où l’on choisit de se tourner vers une récupération collective, le 4-4-2 est le dispositif le plus adéquat. Ce système favorise l’équilibre de l’équipe et permet d’avoir des transitions très rapides entre les phases défensives et offensives (cf. le Real Madrid de Carlo Ancelotti). C’est un système qui n’est pas figé, restant ouvert à tous les profils, comme on peut le voir du côté de Valence. Attardons nous sur 3 joueurs qui illustrent cette variété.

“Le guerrier”, Simone Zaza

Sur la première ligne de front, un joueur avait tout à prouver dès le début de saison: Simone Zaza. Considéré comme l’un des plus gros prodiges d’Italie avec le Torino, l’international italien est en train de revenir au meilleur de sa forme, après un certain nombre de déceptions sportives (plusieurs clubs avec peu de temps de jeu, pénalty loupé contre l’Allemagne à l’Euro). Avec un look digne de la série “Gomorra”, Simone Zaza est un véritable tueur dans la surface, grâce à son excellent jeu de tête, ainsi qu’un pied gauche en feu à chaque opportunité de frapper. De plus, son jeu dos au but permet à ses coéquipiers de trouver une solution d’appui, pour prendre de vitesse l’adversaire.

Actuellement 2ème meilleur buteur de Liga, il est en train de marquer les esprits, et se paie le luxe d’être appelé par Ventura, sélectionneur de l’Italie, qui avait décidé de le mettre au placard après ses mauvaises performances.

« Je suis très content. C’est un prix pour moi mais aussi pour l’équipe. Sans l’équipe, rien ne serait possible. Messi peut y arriver seul, moi sans l’équipe je ne pourrais rien gagner. Maintenant, j’espère continuer comme ça et marquer au mois d’octobre » Simone Zaza après sa nomination de meilleur joueur Liga du mois de septembre

https://www.youtube.com/watch?v=fke_WepqyDI

Le nouveau Cristiano, Gonçalo Guedes 

Alors que certaines équipes se battent pour récupérer les jeunes prodiges mondiaux, les supporters de Valence et Marcelino n’ont pas besoin de chercher bien loin: ils possèdent dans leurs rangs Gonçalo Guedes. Prêté par le PSG, dans les dernières heures du mercato, l’ancien joueur de Benfica brille actuellement sous les couleurs blanche et noir. Avec un temps de jeu conséquent, il peut
enfin montrer toutes ses qualités et prétendre à une place pour la Coupe du Monde 2018 en Russie, avec le Portugal (4 sélections).

Capable de jouer à chaque poste offensif, Marcelino a décidé de le positionner sur le flanc gauche de son équipe. L’attaquant portugais est un couteau suisse à ce poste : il peut percuter tel un vrai ailier, créer le dernier décalage pour faire marquer ses coéquipiers et finir une occasion tel un renard des surfaces. C’est un joueur complet.

https://twitter.com/FussballRadars/status/929432515693174784

Auteur de 3 buts et 5 passes décisives, ce jeune homme de 20 ans réalise des performances de haut niveau, faisant réfléchir le président valencian quant à son avenir à Valence:

« Guedes est un grand joueur qui sera avec nous cette saison. Après, le mercato s’ouvrira et il faudra travailler une nouvelle fois. »

https://www.youtube.com/watch?v=rfHFOsqo8kc

La renaissance de Geoffrey Kondogbia

“Les chats retombent toujours sur leurs pattes”, est l’expression qui pourrait le mieux illustrer la situation de ce dernier.

Après deux saisons en demi-teinte en Italie, l’international français a décidé de se relancer dans un championnat qui le révélera aux yeux du football européen : la Liga. Peut-être libéré d’un poids (plus gros transfert de l’Inter), le milieu tricolore retrouve de jolies couleurs du côté de Valence.

Volume de jeu impressionnant, qualité technique de haut standing et intelligence tactique: l’ancien joueur de Monaco est devenu un élément essentiel dans le jeu valencian. Par sa complémentarité avec Dani Parejo, il est le joueur le plus à même de révéler ce dernier comme le leader technique de l’équipe.

Deschamps peut avoir un casse-tête de plus si Kondogbia reste à ce niveau.

https://www.youtube.com/watch?v=HqW9dBsLYeg

Si on regarde attentivement les joueurs considérés comme titulaires, Valence dispose d’un 11 de départ de très grande qualité avec jeunesse, talent et expérience. Des joueurs tels que Garay ou Parejo savent comment gérer les moments difficiles d’un match, pendant que Soler ou Gaya utilisent leur fougue pour dynamiter des défenses. Avec ce mélange, Marcelino pouvait se frotter les mains, et prétendre à remettre cette équipe dans le top national, voire européen.

Les​ ​phases​ ​défensives​ ​et​ ​des​ ​joueurs​ ​impliqués

«​Il faut d’abord s’occuper de fermer solidement la maison pour empêcher les voleurs d’entrer. Puis, nous pourrons décorer à l’intérieur comme on le souhaite.»​ ​Claudio Ranieri

Valence ayant encaissé 65 buts la saison passée, Marcelino est arrivé avec un chantier prioritaire: transformer une défense friable en l’une des plus solides du pays. Encore là, l’ancien tacticien de Villarreal est resté cohérent dans ses choix.

Avec un 4-4-2, les joueurs créent une supériorité sur les ailes: cela va être la force de l’animation défensive de l’ancien club de Juan Mata.

 

Positionné en bloc médian, les deux lignes de 4 sont extrêmement bien marquées et permettent de réduire les espaces dans le couloir du jeu direct.

Grâce à la formation d’un bloc équipe mobile et compact, l’adversaire n’a qu’un seul choix : chercher une solution sur l’aile opposée pour obliger “les Blanquinegros” à coulisser.

Cette image représente ce que Valence est capable de faire. Avec les côtés doublés numériquement et l’apport de l’un des attaquants, les joueurs de l’Atlético se retrouvent à 2 contre 4 dans un espace réduit.

L’objectif est d’enfermer l’adversaire contre la ligne. En faisant ça, ils cherchent à provoquer une perte de balle très rapidement.
Pour empêcher en plus de jouer vers l’avant, on voit Parejo qui se place sur la ligne de passe pour l’obliger à jouer vers l’arrière. C’est le joueur à l’opposé, Pereira ce jour-là, qui compense le dézonage de l’ancien joueur du Real en resserrant dans l’axe.

Avec cette configuration, Marcelino ne demande pas à son équipe de presser à tout va et d’harceler les défenseurs centraux. Le but principal est d’aspirer l’adversaire et de l’enfermer grâce aux joueurs de côté : Valence crée toujours des voies sans issues.

Mais l’entraîneur sait que l’on ne peut pas avoir une bonne défense seulement avec une idée “basique”, il faut aussi apporter une variété avec un bloc plus haut sur le terrain et un pressing à des moments clés.

Avec des joueurs comme Rodrigo et Zaza, Marcelino peut compter sur deux joueurs qui ont l’envie et la volonté d’aider leur équipe dès la perte du ballon. Et avec ça, le pressing est très bien conditionné.

Le travail des deux attaquants permet au bloc de rester solide et mobile, en restant haut sur le terrain car ils font confiance aux efforts que ces derniers peuvent effectuer face à leurs adversaires directs.

Avec les différentes séquences préalablement expliquées, on se rend compte que Valence dispose de plusieurs configurations défensives. Pour mettre en place tout cela, la préparation physique est adaptée et le volume de jeu des différents joueurs facilite ses variétés.

Kondogbia serait la référence idéale pour représenter le travail de Valence sans le ballon. Lorsque l’on regarde le nombre de ballons récupérés, l’ancien joueur de Séville a un volume de course et une capacité à ratisser les ballons efficacement faisant de lui l’un des meilleurs milieux de Liga.

Avec des ambitions défensives aussi élevées, on peut s’attendre à des idées avec le ballon spectaculaires.

L’art​ ​ de​ maîtriser​ le​ ballon​ e​t​ ​ le​ dispositif​ du​ 4-4-2

A l’heure où les variations tactiques sont considérées comme importante, Marcelino a décidé d’utiliser un dispositif qui est devenu “has-been” pour les entraîneurs au fil des années et de rester dogmatique dans son choix.

« Dès le premier jour, je me suis dit : ce type connaît le football. La façon dont il parlait, les types d’entraînements, parce que chaque exercice ne consistait pas seulement à courir mais à te faire réfléchir, tu dois toujours être très concentré avec lui » Dani Parejo concernant Marcelino. Si on compare ce système à un 3-4-3 par exemple, il ne permet pas de trouver des triangles pour créer des variations dans les choix de passes : une-deux, recherche du 3e homme. De ce fait, il faut obligatoirement des joueurs qui dézonnent de leurs zones initiales pour créer ces phases de jeu et rendre le 4-4-2 amovible.

La séquence est représentative de la prise de risques et de la qualité technique des équipes de Marcelino. Alors que les défenseurs centraux prennent la largeur pour étirer le bloc et créent les espaces dans le bloc adverse, Neto prend la décision de jouer dans l’axe du terrain grâce au décrochage de Kondogbia entre les lignes. Toujours à bonne distance de son coéquipier, l’international français prend l’initiative de jouer vers l’avant malgré le pressing adverse : cette volonté va permettre d’offrir une solution à Guedes de trouver un partenaire libre et face au jeu.

Alors qu’on fait souvent allusion à déséquilibrer un bloc par du jeu latéral et créer les décalages sur les déplacements adverses, Marcelino veut que les joueurs aillent chercher la verticalité dès que possible pour déséquilibrer au plus vite le bloc adverse. Cette séquence le représente parfaitement.

Pendant cette phase de transition offensive/défensive de Séville, on voit Kondogbia qui n’hésite pas à ressortir le ballon pour passer d’un espace restreint numériquement à un espace libre avec la présence d’un partenaire. De ce fait, il permet de mettre Murillo dans la meilleure condition possible pour la prise de risque qui suit, avec cette passe verticale permettant de casser la première ligne adverse et déséquilibrer le bloc. Et quand on voit la fin de l’action, c’est un décalage décisif.

Cette décision va permettre d’éliminer la première ligne de pression et de se mettre dans les meilleures conditions avec des circuits de passes pour rendre l’adversaire vulnérable le plus vite possible.

 

Lorsque l’on voit les différents mouvements des milieux de terrain, on remarque que l’interrogation de départ concernant la non-création des triangles est vite résolue. Parejo et Kondogbia n’hésitent pas à dézoner de leurs espaces initiaux pour permettre aux latéraux de monter plus haut sur le terrain.

Et pour permettre à ces derniers d’apporter offensivement, le profil des deux joueurs excentrés au milieu de terrain est essentiel pour la continuité des actions et ainsi varier les actions par leurs prises de décisions.

Le plus marquant avec cette équipe de Valence réside dans la capacité des joueurs offensifs à remiser dos au but. Cela permet de varier les décisions de passes pour les solutions face au but et ne pas cibler exclusivement Simone Zaza qui excelle dans ce
registre. Sur cette séquence, on voit un redoublement d’appuis-remises permettant à la fois de faire sortir un bloc adverse très bas et de créer du mouvement pour les joueurs se situant autour. Grâce à la présence des latéraux sur la largeur du terrain, Valence peut se permettre de combiner dans l’axe du but dans les petits espaces et de trouver la largeur avec ces derniers.

Avec cette qualité de remise présent chez les joueurs offensifs, Marcelino a très vite compris que ça pouvait être une force pour son équipe. Et n’hésite pas à le pratiquer partout sur le terrain.

Si les joueurs autour des situations sont en mouvement, ce type de séquence peut être très efficace alors qu’il peut paraître simple au premier abord.
Alors qu’on entend parfois que Valence est une équipe exclusivement forte en transition défensive/offensive, les dernières séquences démontrent que cette équipe est redoutable aussi en attaque placée.

Disposant de joueurs d’expérience au milieu de terrain, Valence a la possibilité de “poser le ballon” et de montrer sa qualité technique sur des attaques placées. Étant le leader technique, on voit que Dani Parejo n’est pas aligné sur cette passmap face à
la Sociedad. Il est capable d’orienter le jeu et faire cette dernière passe verticale pour mettre son partenaire offensif dans les meilleures conditions possibles face au but. Et derrière lui, Kondogbia ne râle pas pour faire le travail de l’ombre (pas comme certains en France) afin de permettre à l’ancien joueur de Getafe d’être libre avec le ballon. Mais le Français n’hésite pas à apporter avec le ballon comme on peut le voir face au Real Madrid :

Quant aux joueurs excentrés, leurs intelligences de jeu et leurs complémentarités sont marquantes au fil des matchs depuis le début de la saison.

Associés à des latéraux avec un esprit offensif, Guedes et Soler (ou Pereira) n’hésitent pas à temporiser le jeu par des passes vers l’arrière pour trouver un joueur entre les lignes dans de meilleures conditions.

Derrière eux, Garay et Montoya sont mis en valeur avec le jeu prôné par Marcelino. Ils participent constamment aux différentes attaques placées grâce à la hauteur de leur placement, comme l’indique la passmap. De plus, ce sont des joueurs qui ont une très
grande qualité de centre, leur permettant de trouver des décalages lors de la phase de finition. Si on regarde les statistiques des deux titulaires, ils tentent à deux 12 centres en moyenne par match et sont à 79% de réussite à cet exercice. Et encore, cette phase de jeu qu’est l’attaque placée n’est pas le point fort de cette équipe..

Avec une moyenne de 48,3% de possession depuis le début de la saison, Valence est une équipe qui représente les idées de Marcelino : on cherche la verticalité dès que possible et on joue sur les qualités intrinsèques sur les phases de transition défensive-offensive.

Pas besoin de commenter, il faut juste admirer et applaudir. Avec la co-meilleure attaque de la Liga (30 buts comme le Barça), Valence est en train de taper du poing sur la table pour montrer son retour au haut niveau. Capable de varier son
jeu par rapport à son adversaire, cette équipe devient redoutable peu importe les adversaires face à eux.

Actuellement dauphin de Barcelone, Valence démontre qu’avec un entraîneur ambitieux, on peut révolutionner une équipe qui était dans la difficulté quelques mois auparavant. Disposant de joueurs complets avec différents profils à chaque poste, chaque phase de jeu est travaillée pour mettre un collectif et un système en valeur.

Avec la gestion de l’effectif, Marcelino peut surprendre les sceptiques qui prétendent que Valence craquera avant la fin de la saison. En tout cas, l’entraîneur espagnol peut emmener cette équipe très haut, et pourquoi pas prétendre avoir une place d’envergure mondiale. On détient peut-être LA surprise de la saison….

Écrit par: @CharafMD8

Photo: Imago